Qu'est ce que le Karma?
Qu'est ce que le Karma?
Le terme karma est un mot sanskrit qui sert à désigner le destin, la fatalité. Ainsi, lorsqu’un évènement négatif survient dans la vie d’une personne, par exemple une maladie, un accident ou un licenciement, on y voit la manifestation du karma. Cette conception est très largement répandue en Asie, mais aussi en Occident. Pourtant, cette compréhension pessimiste et négative du karma est trop restrictive. En effet, une heureuse rencontre, un événement inespéré, un heureux hasard sont tout autant la manifestation du karma.
Cette conception est très largement répandue en Asie, mais aussi en Occident. Pourtant, cette compréhension pessimiste et négative du karma est trop restrictive.
En effet, une heureuse rencontre, un événement inespéré, un heureux hasard sont tout autant la manifestation du karma. Le karma désigne, en effet, l’acte et la conséquence de cet acte. En d’autres termes, ce qui importe c’est de comprendre la relation qui unit deux évènements, l’un antérieur et l’autre postérieur. Ainsi, le karma devient une loi qui, pour ceux qui en reconnaissent l’existence, a la force d’une loi scientifique. La question, dès lors, est de savoir ce que la notion de karma nous enseigne sur la nature profonde des choses.
L’étude de cette notion de karma est intéressante pour nous à plus d’un titre.
Tout d’abord, cette notion a donné naissance à une théorie qui se trouve bien organisée dans la philosophie Samkhya, laquelle sert de base conceptuelle de la pratique du Yoga. Ainsi, pour des adeptes du Yoga, est-il légitime de chercher à avoir une connaissance claire de cette notion de karma.
Par ailleurs, cette notion a une grande importance culturelle dans le domaine de l’histoire des idées. En effet, le karma constitue la pierre angulaire de la morale et de la pensée philosophique de l’Inde. Compte tenu de sa force explicative, cette théorie se trouve partagée dans ses grandes lignes par les différents courants de pensée originaires de l'Inde, que cela soit l'hindouisme, le bouddhisme ou le jaïnisme. De plus, cette notion de karma a connu un grand rayonnement géographique. Cette notion a été très largement diffusée dans les différents pays asiatiques où ces mouvements philosophiques et religieux sont établis (en particulier le Cambodge, la Thaïlande, le Laos, la Birmanie, le Japon, le Tibet, Sri Lanka ) . C’est donc une théorie importante d’un point de vue social et culturel. Si cette notion de karma connaît un tel rayonnement, une telle diffusion c’est parce qu’elle est articulée au sein d’une théorie solidement structurée, une théorie qui possède une grande puissance explicative.
Cette théorie du karma apporte, en effet, la réponse à des questions fondamentales qui concernent la condition humaine, des questions tant existentielles que sociales:
- Pourquoi suis-je un être humain ?
- Pourquoi ai-je tels parents ?
- Pourquoi mon corps présente-t-il tel défaut ou telle qualité qui le différencie des autres ?
- Pourquoi ai-je fait la rencontre de telle personne, ce qui me paraît totalement extraordinaire ?
- Quel est mon devenir ?
- Que se passe-il après la mort ?
Ce qui est très réconfortant c’est de savoir qu’il existe des réponses à ce genre de questions que nous nous posons tous à un moment de notre vie. On peut alors réfléchir à tout ceci en profondeur avec une entière sérénité d’esprit, tout comme un enfant peut apprendre tranquillement à nager s’il sait qu’il dispose d’une rive où reprendre pied en cas de besoin.
Le Karma est le moyen de la loi d’Evolution.
C’est à l’aide du Karma que l’âme va suivre le chemin qui lui a été tracé. Il est difficile, car il faut maîtriser les instincts, afin de conduire la matière à un état de plus en plus subtil et aider ainsi à son Evolution.
Cela demande bien des vies.
Dès l’apparition de l’homme sur la terre une longue suite de transformations va commencer. L’âme, profondément liée au corps, va suivre ses lois. Se nourrir et durer seront ses impératifs, et pour cela tous les moyens seront bons. Cruelles, brutales, les âmes ne trouvent que dans la vie terrestre la force qui les contraint à avancer et leur séjour dans l’au-delà est très court. L’Evolution, portant sur des sentiments instinctifs et violents, est, au début, accélérée.
La densité des âmes ne leur permet pas de dépasser le pourtour de la terre.
Elles sont guidées par des forces qui les amènent à se réincarner rapidement. Le jugement est sommaire et, comme l’état ambiant est affreux, le choix des vies est restreint. L’homme doit être broyé par des forces impitoyables afin d’être débarrassé peu à peu de l’épaisse gangue de matière où s’ensevelit son âme. Apeuré, inquiet, il tue pour subsister (triste loi qui est toujours la nôtre). Il tue pour se défendre et ses progrès sont lents. De ces vies atroces et courtes nous ne parlerons que peu. Embryon de conscience, embryon de cerveau ne permettent pas l’exercice de cette loi de Karma comme nous l’entendons aujourd’hui. Elle joue cependant, car, si le Karma est la loi des conséquences, il est aussi une loi d’équilibre. Outre l’Evolution des âmes qu’elle assure, elle est un contrepoids aux pensées et aux actes humains ainsi qu’aux vibrations qu’ils créent. Cette loi permet de sauver de la destruction les âmes et la terre, et même le Cosmos tout entier, car l’équilibre doit être partout pour que tournent les Soleils et se continue la Création.
Peut-on imaginer ces vibrations de violence, d’avidité, d’égoïsme émises par les hommes primitifs sans penser à la force explosive qu’elles représentaient et que venaient compenser et la souffrance individuelle et des décharges terrifiantes des forces cosmiques. La face de la terre se transformait constamment sous l’influence de ces forces, exigeant des âmes des efforts constants d’adaptation.
Pour l’instant, le développement de l’humanité étant ce qu’il est, c’est par des cataclysmes que s’équilibre la terre, face aux vibrations émises par les hommes.
Enfin, après des vies et des vies, une lueur va s’éveiller dans les âmes.
Une douceur est venue d’une compagne de vie et de chasse qui partage les dangers et les proies. Cette lueur est le premier signe de l’éveil de l’âme au sein de cette matière épaisse et dure.
Toutefois elle reste bien pâle, car l’homme est uni encore à une force élémentale et instinctive qui le domine.
Mais la vie invisible va devenir plus longue, car ce sentiment d’attachement crée une force qu’il retrouvera dans l’au-delà. Elle lui permettra d’être en contact avec des guides qui l’aideront. A mesure que l’âme évoluera, qu’elle deviendra plus riche de sentiments, ses vies terrestres se nuanceront de plus en plus et une nouvelle phase de l’Evolution humaine commencera. La douceur du foyer se précisera, se fixera ; les enfants en deviendront partie intégrante, créant la tribu, source d’Evolution nouvelle.
Dès ce moment, d’autres plans s’ouvriront; l’aide viendra de plus en plus abondante, et la loi du Karma commencera à jouer sur le plan individuel.
Cette loi du Karma, loi des conséquences et loi d’équilibre, est absolument mécanique et s’applique avec rigueur, car elle est en puissance dans la loi de Création. Si nous la considérons en elle-même, elle est sans atténuation ni rémission, car elle ne requiert, pour être appliquée, aucune force extérieure à l’âme.
Nous devons rappeler ici ce fait que chaque acte, chaque pensée, chaque parole est vibration, et que, ainsi, rien de ce qui a été fait, pensé et dit par l’homme ne se détruit, sauf par l’émission de vibrations contraires annulant les premières. Chaque vibration est liée par un caractère particulier à celui qui l’a émise, et c’est donc par lui qu’elle devra être détruite. Toutefois une interpénétration des âmes se fait par l’Amour qui les unit. C’est pourquoi les prières faites pour les autres, les intercessions particulières ou générales peuvent avoir des effets favorables sur un Karma individuel ou collectif.Il est enfantin de penser à une réparation individuelle des torts causés, car la complexité des destins est grande et l’acte, mauvais en soi, a pu être pour celui qui l’a subi une aide et non un tort sur le plan spirituel. C’est à l’âme qui a décidé et accompli cet acte que le tort a été causé.
Il importe donc peu que s’adresse à celui qui a subi une peine la réparation nécessaire puisqu’il s’agit moins d’un rachat que de l’annulation de vibrations nocives, et de la transformation de l’âme devenue incapable de concevoir et d’accomplir cet acte. Elle a, du reste, en elle une force innée qui l’informe et guide vers son but définitif et lui permet d’émettre des vibrations contraires à celles qui lui sont habituelles.
Par quelle voie cette transformation va-t-elle s’accomplir ?
Par la souffrance d’abord et par des retours douloureux à la vie matérielle.
Le Karma ne s’exerce pas seulement sur les individus. Il a son effet également sur les peuples et sur les races, car c’est à travers toutes les conditions où se développent les âmes que le Karma a ses effets et il faut bien dire que cette loi, infiniment complexe, ne peut être étudiée que théoriquement, car individus, peuples et races sont si étroitement mêlés qu’un enchaînement très compliqué forme le Karma de chacun. Il serait imprudent de ramener à la mesure humaine ces Lois prodigieuses qui permettent l’équilibre de l’Univers tout entier. Ne considérer le Karma que sous l’angle humain c’est fausser irrémédiablement les données du problème. Une étroite solidarité unit, non seulement la Création, mais tout l’Univers. Chaque système solaire est comme une entité qui se trouve agir et exister au même rythme et qui a aussi son Karma. Ainsi, de groupe en groupe, de monde en monde, s’étend la fraternité des Créations de Dieu. S’il faut se limiter à l’étude des conditions de la vie terrestre, il faut aussi savoir que cela n’est qu’une très petite partie du problème.
Il n’est pas surprenant qu’ainsi mutilé il apparaisse parfois bien puéril.
L’histoire du Karma
Bien sûr, d’autres traditions offrent des réponses à ce genre de question et il ne s’agit pas de se convertir.
Mais ces réponses reposent souvent sur la foi ou le dogme. Or ce que la théorie indienne du karma présente de tout à fait original c’est qu’elle se fonde sur une approche rationnelle des choses, elle se base sur le raisonnement et sur l’expérience concrète. Dès lors, ce qui importe c’est d’éprouver la cohérence de ce raisonnement et d’actualiser cette expérience. Comme le disait un sage indien : " Ne croyez pas sur parole ce que je vous raconte. Mais examinez ce que je vous dis comme un joaillier travaille un métal : il le découpe, le martèle et le fait fondre et enfin il sait vraiment que c’est de l’or ".
Commençons par examiner comment la notion de karma a émergé dans la pensée philosophique indienne et comment elle s’est progressivement constituée en une théorie cohérente et bien organisée.
Une théorie lentement élaborée
La notion de karma n’est pas un concept qui aurait été inventé par un penseur unique, original, ni une théorie amplement développée par un auteur de génie. Le karma est une notion qui s’est progressivement structurée au fil des siècles. On peut ainsi, de façon schématique, distinguer trois étapes historiques successives.
L’acte rituel sacré
Le karma désigne initialement l’ensemble des opérations rituelles mentionnées dans un ensemble de textes appelés Véda.
" Véda ", terme sanskrit, signifie étymologiquement " le Savoir " et désigne ainsi la connaissance sacrée, celle qui a trait aux choses transcendantes.
Ces opérations rituelles ont une importance primordiale qui a justifié qu’elles soient consignées dans les premiers textes écrits de l’Inde.
Ces actions ont une finalité spécifique qui intéresse l’ensemble du corps social : elles permettent aux humains d’entrer en relation avec les divinités afin que ces dernières agissent sur le monde. Ces rituels permettent ainsi de préserver le bon ordre de l’univers, appelé dharma, si l’harmonie universelle est menacée ; inversement, si le désordre, appelé "adharma" s’est temporairement installé, ces rituels assureront le retour à l’harmonie première.Cette croyance en l’existence d’un ordre cosmique, un bon déroulement des choses, est une pensée tout à fait rationnelle, fondée sur l’observation de la nature. En effet, la vie est fondamentalement marquée en Inde, comme dans tout le sud-est asiatique, par le retour de la saison des pluies, appelée mousson. A la différence du climat européen où les précipitations s’étalent sur de longs mois entre l’automne et le printemps, en Asie les pluies sont concentrées sur quelques semaines. Ainsi, sur une brève période tombe la quantité d’eau qui va permettre à la végétation de croître, au riz de pousser et donc assurer la survie des espèces humaine, animales et végétales. Que cette mousson soit retardée, ou au contraire avancée, qu’elle soit insuffisante ou au contraire excessive, les récoltes s’en trouveront alors menacées et la famine guettera. La vie dépend donc du retour à bonne date et en quantité juste de la mousson. De cette contrainte physique liée à la mousson découle un certain nombre de considérations philosophiques et religieuses.
Tout d’abord, le temps est conçu comme une notion cyclique, répétitive en Asie, alors qu’en Occident la conception du temps est plutôt linéaire. Par ailleurs, l’ordre naturel est perçu comme précaire. Enfin, il apparaît indispensable de se concilier les forces de la nature. Dans ce contexte, l’acte rituel prend une importance fondamentale puisqu’il va permettre aux êtres humains de solliciter ces forces naturelles pour préserver la vie.
Précisons maintenant quelles sont les caractéristiques de cet acte rituel :
L’acte rituel est, avant tout, une parole Fondamentalement, l’acte rituel est une invocation faite aux divinités. L’acte par lequel la divinité est sollicitée est une parole.
On retrouve ainsi une notion connue de toutes les civilisations : "la puissance de la parole".
Compte tenu de l’importance fondamentale de cette parole, celle-ci n’est pas prononcée par n’importe quelle personne. Un personnel spécifique est dédié à l’élocution de la parole sacrée. Ce personnel spécifique deviendra au fil du temps la caste supérieure de la société hindoue, celle des brahmanes. Les divinités qui sont invoquées lors de l’acte rituel sont les forces de la nature personnalisées. Ainsi, les dieux et déesses appelées dans les Véda sont Indra (celui porte la foudre), Mitra (le Jour), Varuna (la Nuit), Vayu (le Vent), Agni (le Feu)… Si l’acte rituel est essentiellement une parole, il ne l’est toutefois pas exclusivement. La parole est ainsi accompagnée d’une intention qui la précède et d’actes corporels qui lui succèdent. En effet, cette parole est prononcée en vue de la réalisation d’un certain objectif, appelé Svarga. Ainsi, lorsque le brahmane effectue telle invocation au dieu du vent c’est dans le but que les nuages porteurs de la pluie parviennent en temps utile dans telle région. Il y a ainsi une intention, un processus mental qui est à l’origine de la parole sacrée. Par ailleurs, de nombreuses personnes souhaitent assister à la réalisation de ces rituels destinés au bien-être de tout le corps social. Dès lors, pour rendre plus perceptible, plus manifeste le processus sacré en cours, différentes actions matérielles vont être réalisées par l’officiant. Ainsi, tous les brahmanes effectuent tout au long de leur vie le rituel de l’Offrande au Feu, appelé " agnihotra " en sanskrit. Le foyer est allumé juste avant le coucher du soleil et la vache est traite. Le brahmane verse alors dans le feu un peu de lait frais à l’aide d’une grande cuillère spéciale. Répété à l’aube, ce rituel permet de faire se lever le soleil (charme solaire) et d’avoir des enfants (charme de fécondité).
L’officiant qui accomplit l’acte rituel ne le fait pas pour son intérêt personnel. Il le fait parce que l’intérêt général l’exige. Dès lors, l’acte rituel est une prescription qui s’impose à lui et non une faculté qu’il pourrait, au gré de sa volonté, exercer ou refuser d’ exercer. La divinité est tenue d’intervenir. De même que le brahmane se doit d’intercéder pour l’homme auprès de la divinité, la divinité se doit de répondre selon la demande qui lui est formulée. Ainsi, la divinité védique n’est pas toute puissante : elle a une compétence liée dès lors qu’elle est correctement saisie, pour utiliser un langage juridique.
L’homme n’a pas le pouvoir de contraindre la divinité à intervenir. La situation exige simplement que le brahmane agisse par le biais d’une certaine procédure. Dès lors que celle-ci est correctement exécutée (intention juste, parole juste, actes matériels justes), ce rituel devient alors opérant et la puissance transcendante se manifeste.
La notion originelle du karma, dont nous venons de préciser les aspects essentiels, va évoluer au fil des siècles. Toutefois, cette évolution ne constitue pas une transformation radicale, mais représente une simple inflexion du contenu de la notion. Deux aspects fondamentaux demeureront ainsi intangibles : tout d’abord, le karma est un acte doté d’une puissance particulière engendrant des effets contraignants ; ensuite, cet acte associe une intention, une parole et une manifestation corporelle.
Date de dernière mise à jour : 12/11/2023
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